Connaissances - La France, une puissance maritime ?

Connaissances

Q2. La France : une puissance maritime ?

 

Dans quelles mesures peut-on qualifier la France de puissance maritime ?

Pourquoi la présence française dans les mers et océans est-elle importante ?

 

Introduction

 

La France dispose d’un immense domaine maritime, le deuxième au monde par son étendue. La France est une grande puissance économique, militaire et politique. Mais paradoxalement, on peine à classer la France parmi les grandes puissances maritimes car bien que dotée de forts atouts marins, la France semble avoir du mal à les exploiter.

Isthme occidental du continent européen et héritière d’un empire colonial outre-mer, la France a une tradition et une vocation maritime. Face à des enjeux multiples, quels moyens la France met-elle en œuvre pour développer sa puissance maritime ?

 

Étude de cas : « Les Antilles françaises : ampleurs, limites et enjeux de la présence française »

 

 

 I - La France, une forte présence maritime 

 

 

A. L’atout d’un espace maritime immense

 

  • La France possède un espace maritime de plus de 10,8 millions de kilomètres2, ce qui la place au second rang mondial derrière les États-Unis. La situation de la France métropolitaine, ouverte sur trois façades maritimes européennes, lui a permis de s’adapter aux mutations de l’histoire maritime du continent.
  • Avec 7 000 km de littoral (outre-mer compris), la France est riche d’une tradition maritime ancienne. La pêche et le commerce maritime sont des activités ancestrales. La Marine nationale est l’héritière de la Marine royale, créée en 1626.

  • 97 % de cette espace maritime se situe en Outre-mer. Cet héritage colonial des territoires qui sont demeurer au sein de la République assure une présence sur trois océans, deux hémisphères et en Antarctique. Il permet à la France d’être une puissance régionale dans l’espace Caraïbe, l’océan Indien et le Pacifique.

  • Aujourd’hui, l’économie maritime est stratégique pour l’économie du pays, son approvisionnement et son indépendance  énergétique.  Elle occupe une place importante dans les régions littorales, riches de plus de 500 ports de commerce, de pêche et de plaisance. Ses performances témoignent de sa modernité. Les plus grands ports, comme Marseille, Le  Havre  ou Dunkerque,  disposent  d’un  outil  portuaire moderne,  adapté  aux  évolutions  du  transport  maritime,  notamment  la  conteneurisation.

  • Cette espace offre un potentiel stratégique qui peut être élargi, sous conditions, pour les ressources du sol et du sous-sol par l’extension jusqu’à 350 milles du rivage. Ainsi le domaine sous-maritime de la France s’est-il a grandi en 2015 de 579 000 km². Ce très vaste domaine maritime est cependant très dispersé et éloigné de la métropole : l’exploitation des richesses en sera d’autant plus délicate et coûteuse.

 

B. Des acteurs qui participent à la puissance maritime française

 

  • La France est active dans le domaine de la connaissance du milieu océanique, des fonds marins et de leurs ressources grâce à l’imagerie des satellites lancés par Ariane, au service hydrographique de la marine (SHOM) et aux navires océanographiques de l’Ifremer.

 

  • La France est forte de plusieurs secteurs d’activités économiques pilotés par des puissants acteurs de l’espace maritime :
    • L’armement : Naval Group est le premier groupe européen de systèmes navals de défense qui produit et exporte des navires de surface et des sous-marins.
    • La construction navale : les chantiers navals de Saint-Nazaire se sont spécialisés dans la construction de paquebots géants ; la France est aussi chef de file mondial de la production de voiliers avec Bénéteau.
    • Le transport maritime : la CMA CGM et le quatrième armateur mondial.
    • Le pétrole offshore avec Total pour l’exploitation des gisements et les groupes Bourbon, Technip, CGG Veritas pour les services pétroliers.

 

C. Mais des faiblesses et des retards

 

  • Puissance d’abord continentale, la France n’a historiquement jamais perçu la mer comme un des fondements majeurs de sa puissance, contrairement au Royaume-Uni traditionnellement « tourné vers le grand large ». De fait, la Marine française n’est que la 7e du monde, très loin des marines états-unienne et chinoise. D’après l’Ifremer, l’économie maritime reste marginale : elle ne représente que 1,5 % du PIB français.
  • Les ports français sont secondaires en Europe, et plus encore dans le monde. Premier port français pour les conteneurs, Le Havre n’est qu’à la 12e place en Europe, à la 56e dans le monde. Ces ports souvent de la relative faiblesse de leur hinterland, essentiellement français, de leur localisation souvent périphérique par rapport aux routes maritimes majeures et à la mégalopole européenne, et en en de la concurrence d’autres ports européens plus compétitifs.

  • Les mers sont avant tout des espaces d’échange. Or, la France a un trafic maritime modeste dont le total cumulé est inférieur à celui du port de Rotterdam ; un conteneur sur deux à destination de la France ne passe pas par un terminal français. Le premier port de conteneurs français, Le Havre, terminal multimodal qui offre de grandes qualités nautiques qui facilitent son accessibilité, est le 67ième port mondial en 2018 (44ième en 2008). Dans l’Outre-mer, les ports peinent à s’insérer dans leur environnement régional. De même, la flotte de commerce sous pavillon français ne figure qu’au 30e rang mondial en 2018.
  • Malgré l’étendue de la ZEE, la France importe 3,5 fois plus de produits de la mer qu’elle n’en exporte en valeur. Très souvent, l’absence d’organisation de la filière entraîne une surexploitation des eaux côtières plus accessibles aux pêcheurs artisanaux alors que le large est presque abandonné. Alors que les captures mondiales de pêche augmentaient de 77% entre 1975 et 2017, les captures françaises baissaient de 25%. Enfin les énergies marines renouvelables ne représentent que 0,1 % de la production électrique française, alors que la France était pionnière avec l’usine marémotrice de la rance construite en 1966. Début 2020, aucun parc éolien n’est en exploitation, seules deux turbines sont en expérimentation au large des côtes bretonnes et la filière de l’hydrolien marin semble délaissée.

  • La sécurité et l’indépendance énergétiques pourraient être accrues grâce à l’exploitation des ressources énergétiques marines (énergies éolienne offshore, hydrolienne, de la houle et des marées). Enfin, les biotechnologies bleues constituent un secteur économique émergent, reposant sur une forte capacité d’innovation : la France est en bonne position aux côtés des États-Unis, de l’Australie, du Japon et du Canada.

 

Les Biotechnologies bleues : techniques visant l’exploitation industrielle d’êtres vivants tels que les micro-organismes ou les cellules animales et végétales d’origine marine (ex : algues et microalgues essentiellement).

 

 II - La France, une puissance maritime qui veut d’affirmer 

 

 A. Les enjeux stratégiques : défendre les intérêts français 

 

  • La puissance maritime de la France se fonde sur l’étendue de son territoire maritime ainsi que sur les capacités de sa marine nationale, la septième du monde en tonnage et la quatrième en capacité opérationnelle. Toutefois, la souveraineté française sur certains territoires et leur ZEE est contestée : Mayotte par les Comores, les Éparses par Madagascar, la ZEE de l’îlot inhabité de Clipperton par le Mexique.
  • La Marine nationale utilise les bases des territoires de l’Outre-mer ainsi que des points d’appui alliés (Dakar, Djibouti, Abou Dhabi). La France est l’un des rares pays au monde qui dispose d’un outil naval (un porte-avion (le CDG) et 4 SNLE : sous-marins nucléaires lanceurs d’engins le Téméraire, le Triomphant, le Terrible et le Vigilant) permettant tout à la fois d’opérer sous la mer, à la surface et dans les airs, et de projeter des forces à terre pour défendre ses intérêts vitaux et stratégiques.

  • Les enjeux stratégiques concernent aussi la sécurité des réseaux (câbles sous-marins) et des échanges qui traversent les océans et donc les approvisionnements, notamment énergétiques. Ainsi la France participe à de nombreuses coopérations internationales avec des partenaires : l’Union européenne ou les ÉtatsUnis pour la lutte contre la piraterie dans le nord-ouest de l’océan Indien, contre le trafic de drogue en mer des Caraïbes, contre la pêche illégale en Guyane et Nouvelle-Calédonie.

 

 B. Les enjeux économiques : « bleuir » l’économie 

 

  • Les activités liées à la mer génèrent en France 800 000 emplois et un chiffre d’affaires correspondant à 11 % du PIB grâce aux secteurs traditionnels que ce sont les transports, l’industrie navale et nautique, la pêche et les produits de la mer, les ressources énergétiques, les télécommunications.
  • « L’économie bleue », la « croissance bleue » désignent le potentiel de développement qu’offre la mer au pays. La France mise sur plusieurs filières émergentes : énergies marines renouvelables, ressources minérales et énergétiques du sol et du sous-sol marin, biotechnologies marines, algues et aquaculture.

 

  • Toutefois l’exploitation des richesses maritimes de la France est très peu engagée. Les délais sont très longs pour la mise en œuvre des dispositifs d’exploitation car les investissements sont très lourds, la volonté politique inconstante, les conflits d’usage fréquents.

 

C.  Les enjeux environnementaux : protéger un espace fragile

 

  • Les vastes espaces maritimes français suscitent des espoirs en matière environnementale par leur contribution à un développement plus durable, avec les énergies marines renouvelables ou les autoroutes de la mer, même si les craintes sont fortes quant à leur vulnérabilité face aux risques liés à la mer. Dans un autre domaine, suite aux catastrophes qui ont particulièrement touché ses côtes (Erika en 1999), la France a joué un rôle important dans les progrès de la sécurité maritime dans le cadre de l’Union européenne et de l’Organisation maritime internationale.
  • La France possède 10 % des récifs coralliens est près de 10 % de la diversité mondiale des espèces marines. Pour protéger les écosystèmes marins et permettre un développement durable des activités maritimes, 23 % des eaux françaises sont classées aires maritimes protégées. Mais, rapidement créés et sans grands moyens pour leur gestion, ces espaces protégés sont inégalement ancrés dans le territoire et acceptés par tous ses acteurs.

Text 5

Date de dernière mise à jour : 31/12/2022

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